Description

Le forage d’eckbolsheim

En juin 2014, ARBRES a été convié à une réunion d’information, organisée par Alsace Nature, qui réunissait plusieurs associations locales et les représentants de la société Fonroche Géothermie.
Cette entreprise venait d’obtenir un permis de recherche exclusif dans le but de construire deux forages géothermiques de grande profondeur, un à la Robertsau et l’autre à l’ouest de Strasbourg.

Ce deuxième forage se situera sur une excroissance du ban de la commune d’Eckbolsheim qui se trouve, en fait, entre Wolfisheim et Oberhausbergen, au sud du centre sportif.
Il aura une surface de 2.2 ha, et sera à 600 m des premières habitations du nord de Wolfisheim et à moins de 1000 m de celles du sud d’Oberhausbergen. L’agglomération d’Eckbolsheim étant, elle, nettement plus éloignée.

Après les phases d’exploration, de forage et de construction de la centrale qui dureront environ 2 ans, il produira 5 MWe (Mégawatts électriques) et 15 MWth (Mégawatts thermiques) sous forme d’eau chaude pendant environ 30 ans.

 

Choix de l’emplacement

Dans la croute terrestre la température augmente en moyenne de 3°C tous les 100 m (gradient de température). Cependant, certaines régions du globe présentent des gradients géothermiques plus élevés. Le sous-sol autour de Strasbourg affiche un gradient géothermique de l’ordre de 4.5 à 5°C par 100 m. Les forages profonds antérieurs et les études autour de Strasbourg ont montré la présence d’eau à température particulièrement élevée.

Une unité géothermique produit de l’électricité et de la chaleur qui n’est pas transportable sur de grandes distances. L’unité doit donc être située à proximité directe des différents consommateurs. Strasbourg représente donc l’adéquation entre le potentiel géothermique du sous-sol profond et les utilisateurs de surface. Dans notre secteur, c’est le réseau de chaleur de Hautepierre qui représente le meilleur potentiel d’utilisateurs.
Par ailleurs, afin de trouver des circulations d’eau dans les roches profondes, il faut viser des zones naturellement faillées. Les sites choisis doivent donc pouvoir atteindre des failles profondes potentiellement productives.
Les sites retenus sont le résultat d’une adéquation entre la présence d’une faille profonde productive/bassin d’utilisateurs pour la chaleur/terrain disponible pour les travaux.

La géothermie est donc appelée à se développer dans notre région pour des consommations d’énergies urbaines ou industrielles. Outre les forages de Soultz-sous-Forêts et celui en cours d’achèvement à Rittershoffen, trois autres projets sont actuellement en cours
 

–    Fonroche : forage identique à celui d’Eckbolsheim à la Robertsau, prés du port au pétrole. Ce projet a peu de chances d’aboutir car il se situe dans une zone à risque classée Seveso II.
–    ES Géothermie à Illkirch : projet de géothermie profonde à haute température avec production d’eau chaude et d’électricité
–    Fonroche : forage à Vendeheim sur le site de l’ancienne raffinerie. C’est ce projet qui démarrera en premier.

 

 

Technique

 

On creuse un premier puits pour atteindre une faille géologique afin de permettre à l’eau chaude de monter à la surface. Elle part du fond entre 4000 m et 4500 m à 195°et arrive en surface à 190°.

On en récupère la chaleur à travers des échangeurs thermiques puis on la réinjecte dans le sol à travers un deuxième puits, un peu plus loin (entre 1 et 2 Km en fond de puits), à la même profondeur, dans la même faille mais à environs 70 °C.

La ressource autour d’une unité se régénère, mais plus lentement que la vitesse à laquelle elle est puisée. La durée d’exploitation est limitée dans le temps entre 30 à 50 ans. Cela correspond grossièrement à la durée de vie d’un forage. La ressource se reconstitue intégralement en 50 à 200 ans.

Cette technique vise les grandes failles de la plaque rhénane qui a provoqué l’apparition de la vallée du même nom entre les Vosges et la forêt noire. Le glissement de ces grandes plaques a broyé la roche qui est donc naturellement fracturée et perméable. Cette roche est gorgée d’eau fortement salée et légèrement radioactive à une température d’environ 200 ° à 4 Km de profondeur.
La chaleur du sous sol provient en partie du flux de refroidissement du noyau terrestre, mais surtout de l’altération de certains minéraux : les roches profondes de la croûte terrestre contiennent des éléments (Uranium, Thorium, Potassium…) qui se désintègrent naturellement en dégageant de la chaleur. L’eau remontée n’entrera à aucun moment en contact avec la surface, elle circule dans un circuit fermé étanche de son extraction à sa réinjection à 4000 m sous terre.

Il n’y aura pas fracturation hydraulique ! Cette technique consiste à mettre le sous-sol sous une pression considérable (400 à 600 bars) pour créer des failles dans la roche. Elle est utilisée dans l’exploitation du gaz de schiste et s’avère désastreuse pour l’environnement.

 Il n’y aura pas non plus de stimulation hydraulique.
Un peu moins violente que la fracturation, cette technique consiste à envoyer une grande quantité d’eau sous pression (150 à 300 bars) pour ouvrir les fissures existantes et faciliter la circulation de l’eau.
Elle a tendance à faire bouger les failles et à provoquer des micro séismes, inférieurs à 2 sur l’échelle de Richter, donc imperceptibles par la population. Mais parfois, comme à Bâle (2007), Saint Gall (2013) ou Soultz sous forêts (2003), ces seismes atteignent des niveaux inquiètants car ils sont ressentis par la population, bien qu’ils n’aient jamais fait ni victime ni dégâts

Il y aura par contre une stimulation chimique :

il s’agit de l’injection à pression modérée (inférieure à 100 bar) d’acide chlorhydrique ou d’acides organiques, comparables à ceux utilisés pour nettoyer les puits de pompages d’eau potable dans la nappe phréatique. Le but est de dissoudre les dépôts dans les failles (par exemple  calcites) qui diminuent la perméabilité. Ce « nettoyage » sera répété plusieurs fois dans la durée de l’exploitation.

 

 

Nuisances

C’est  la phase de forage qui rassemble la quasi totalité des risques et des nuisances.
Lors de la phase d’exploitation, il n’y a aucune émission car la totalité du fluide géothermique (gaz inclus) produite par un puits est réinjectée dans le réservoir au moyen du deuxième puits. De plus, la boucle géothermale de surface est maintenue à une pression suffisante pour garder les gaz sous forme dissoute dans le fluide.
Les équipements bruyants d’une installation de cogénération géothermique sont principalement la turbine et les tours aéroréfrigérantes. La turbine sera confinée à l’intérieur d’un bâtiment insonorisé. Il n’y aura donc aucune émergence sonore pour cet équipement.
Les tours, quant à elles, resteront à l’extérieur, mais seront spécialement dimensionnées pour minimiser leurs émissions sonores pour rester en dessous de 70 dB(A) à 20 m, soit le bruit d’un aspirateur. Les premières habitations étant à 600 m, elles ne ressentiront donc aucune gêne.
Nuisances
Le chantier de forage, pendant les travaux, aura une valeur moyenne du bruit de 55 dB(A) à 100m pendant les 8 mois de forage (24h/24) et pour un fond sonore actuel de 65 dB(A) le jour et 60 dB(A) la nuit sur la zone d’Eckbolsheim. Cet impact sera donc très faible au niveau des habitations.
Néanmoins, les habitants du nord de Wolfisheim sont à moins de 600m, ceux du sud d’Oberhausbergen à moins de 1000 m et il n’y a aucun obstacle pour atténuer le bruit (arbres, bâtiment). Les plus proches risquent d’être gênés si le forage se fait en été lorsqu’ils dorment les fenêtres ouvertes.
Les nuisances olfactives sont aussi à craindre à cause de la remontée des boues de forage, mais elles seront assez limitées dans le temps.
Par ailleurs, lors des travaux de forage, la circulation induite, de jour comme de nuit, sera de 20 camions par jour en moyenne lors de l’amenée de la machine de forage et 5 à 8 camions par jour pendant les opérations, principalement la journée.

 

 

Risques

•    Sismique
Les forages peuvent provoquer des microséismes.
Un séisme inférieur à 2 sur l’échelle de Richter n’est pas perceptible en dehors des instruments de mesures. Les microséismes naturels sont fréquents dans notre région.
Le séisme le plus fort provoqué par la géothermie était de 3.5 à Bâle en 2007. Il a été provoqué par de trop fortes pressions d’injection d’eau. S’il n’a fait ni victime ni dégât, il a fortement inquiété la population … surtout à Bâle …
Pour comparaison, le tremblement de terre (naturel) fortement ressenti à Strasbourg en février 2003 et dont l’épicentre se trouvait près de Saint Dié, avait une magnitude de 5.2. Ce séisme a fait quelques dégâts matériels et un blessé léger à Baccarat (étonnant : la cristallerie n’a pas souffert).

Dans le cas de ce forage le risque sismique est très limité parce qu’il n’y aura pas de très haute pression : Pas de fracturation, pas de stimulation et une pression de réinjection de l’eau refroidie entre 16 et 25 bars, alors que le seuil de risque sismique commence à 100 bars.

•    Déformation du sous-sol qui provoque des dégâts sur les habitations en surface
Lochwiller ou Stauffen : il s’agissait d’une installation faite par un particulier, sans contrôle des Services de l’Etat, pour un investissement de quelques milliers d’Euros dans un puits de 140 m. Les intervenants ne maîtrisant pas les règles de l’art; il s’en est suivi une malfaçon manifeste, lourde de conséquences.
A Eckbolsheim nous sommes dans une dimension très différente : une installation industrielle de 60 millions d’€uros, sévèrement contrôlée par les Services de l’Etat et mise en œuvre par des entreprises spécialisées et expérimentées. Le risque de déformation du terrain est pris en compte et les solutions sont maîtrisées.

•    Le défaut d’assurance :
Tout projet industriel est tenu de s’assurer sur les risques ; il existe même une police très spécifique pour la géothermie profonde.

•    Pollution des sols en surface
La phase la plus risquée est celle du forage car les boues d’évacuation sont lourdement chargées en divers produits chimiques. De plus elles transporteront les déchets de forage qui vont varier en fonction des couches géologiques traversées
Il y aura un bassin de rétention étanche à proximité des puits pour récupérer et traiter ces boues. Ce bassin ne sera plus utilisé en exploitation.
Pendant l’exploitation, une pollution peut provenir d’une fuite de l’eau qui véhicule des particules radioactives extraite du fond et en provenance du granit, qui est affleurant dans les Vosges. 
Cette eau circule normalement dans un circuit qui restera fermé toute la vie de l’installation.

•    Préservation de la nappe phréatique.
Nous pensons que le point le plus critique est la protection de la nappe phréatique. Nous demandons que le projet intègre des protections multiples, voire redondantes, composées de techniques différentes et variées.
Nous demandons la mise en place d’un Comité de Pilotage de Contrôle pour parer à tout événement exceptionnel. Comité dans lequel siègeraient les 2 opérateurs ES et FONROCHE qui mettraient en commun leurs savoir-faire et leur moyens techniques, sous contrôle de la DREAL.

 

 

Aspects financiers

Ce projet représente un investissement de 60 M€ pour une durée de vie de 30 ans avec des couts d’exploitation très faibles et un fort taux d’exploitation de plus de 8000 h/an (une année comporte 8760 heures). Il repose donc sur un investissement important au départ et un retour sur cet investissement assez lent, mais sûr si le projet fonctionne bien.

Le projet est innovant, c’est la première fois que l’on va tenter d’exploiter cette zone sous-terraine, d’où des risques importants sur l’investissement. En effet, il est possible que des difficultés inattendues apparaissent qui pourraient augmenter le cout du projet, le retarder, voire le remettre en cause en cas par exemple de perméabilité insuffisante de la roche.

Il convient donc d’être particulièrement attentif à la qualité des investisseurs pour éviter que le court-termisme financier actuel n’amène une négligence des règles de sécurité ou ne diminue la qualité de la fabrication du puits.  Pour palier à ce risque, ARBRES exige une transparence totale tant en phase de orage que d’exploitation.
Nous exigeons la création d’une CLIS (Commission Locale d’Information et de Surveillance) ou d’une CSS (Commission de Suivi de Site) avec la présence de l’état par la DREAL, à coté des associations comme ARBRES et des mairies. Ainsi aucun évènement ne pourra être masqué tout au long des phases de forage et plus tard, d’exploitation.