Le centre de traitement de déchets exploité par la société LINGENHELD Environnement (filiale de l’entreprise de travaux publics LINGENHELD) est situé à l’extrémité nord du ban d’Oberschaeffolsheim (à droite de la RN 4 en venant de Strasbourg). Il jouxte l’aire sur laquelle la CUS avait, durant des années, déversé et enfoui des ordures ménagères. Le centre, distant de 2 à 3 km de nos villages, se présentait dans les années 90 sous la forme d’une plate-forme de traitement et de recyclage de matériaux, dont les activités multiples étaient les suivantes:
* Traitement des mâchefers de l’usine d’incinération des ordures ménagères de Colmar,
* Traitement de gravats et déchets de chantiers de démolition,
* Station d’enrobés (bitumes) depuis 2003.
Le compostage des boues de STEP (Stations d’Epuration des Eaux Usées) : à l’origine de très fortes nuisances
Placés, à la fin des années 90, sous le coup d’une nouvelle réglementation européenne, les exploitants de station d’épuration étaient devenus officiellement responsables de l’élimination de leurs boues. Ils durent, en conséquence, renoncer à toute mise en décharge. Dès lors, deux possibilités: les incinérer, ou les valoriser. Dans ce second cas de figure, se présentait l’alternative suivante :
– soit l’épandage, mais celui-ci avait déjà montré, dans d’autres contextes, ses limites (pollution des nappes phréatiques, contamination du bétail, présence de métaux lourds…) et il connaissait une réglementation de plus en plus contraignante,
– soit le compostage, a priori plus écologique.
C’est cette dernière solution que choisit, en 1998, la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) pour effectuer la valorisation d’une partie des déchets de sa station d’épuration située à La Wantzenau – il faut préciser que son installation d’incinération était pour le moins vieillissante: capacité de traitement limitée et nécessité de mise aux normes. Elle confia cette opération à Lingenheld Environnement qui, pour l’occasion, créa cette activité, nouvelle pour elle, sur son site d’Oberschaeffolsheim, avec une capacité de traitement de 25 000 tonnes par an. Par ailleurs, Lingenheld signa aussi un contact avec le SDEA* pour traiter une partie du boues du Bas Rhin. Cette option « Compostage » avait reçu, à l’époque, un accueil plutôt favorable d’ARBRES de par son label de Site Pilote de l’ADEME.
Face au dynamisme et aux bonnes intentions affichées par Lingenheld, ARBRES ne resta cependant pas les deux pieds dans le même sabot et s’intéressa de près à ce traitement par compostage. Et non sans raison…, car celui-ci engendra dès son lancement, en août 1998, de très fortes nuisances olfactives pour les habitants de nos villages. Ces nuisances allaient engendrer des « pics » par temps chauds et par vent de Nord/Nord Est. Elles ne s’atténueront, et on le verra plus loin, qu’à partir de l’été 2006.
En cause, les méthodes successives employées par Lingenheld.
Présentées par l’entreprise comme étant des procédés innovants, ces méthodes se sont révélées, dès le début, inopérantes. Nous citerons, pour mémoire :
– Mélange des boues à des écorces de bois, de la paille et des déchets verts, afin de produire, en 3 mois, un compost ne dégageant pas d’odeurs « notoires »…,
– Utilisation de bactéries « mangeuses » d’odeurs (sur le modèle de ce qui avait été utilisé, par exemple, lors de la catastrophe de l’Exon Valdez),
– Emploi de souches bactériennes produites par un laboratoire US,
– Utilisation de liquides « masqueurs » d’odeurs,
– Parallèlement à l’utilisation des ces « ingrédients », modification dans la mise en œuvre des opérations de déchargement des camions, de retournement des préparations de compost pendant la fermentation, etc….
En cause également, durant les premières années, la « qualité » des boues livrées.
Il en a été ainsi pour les boues sorties de la station de La Wantzenau qui réceptionnait toutes les eaux usées de la CUS (dont celles en provenance de l’industrie agro-alimentaire : jus de choucroute, effluents des brasseries). Ces boues n’avaient bénéficié d’aucun traitement préalable, en amont de la station. Au contraire de celles en provenance d’autres Communautés de communes (telles que Benfeld, Obernai,…) qui, elles, étaient de « meilleures » qualités, parce que déjà pré-traitées. La situation aurait dû s’améliorer lorsque la CUS décida d’abandonner le compostage sur le site d’Oberschaeffolsheim et de procéder plutôt à l’incinération des déchets dans l’installation rénovée du four à La Wantzenau. Méthode radicale pour ce qui concernait le site d’Oberschaeffolsheim, pour autant que les incinérateurs ne tombent pas en panne !… Ce qui malheureusement fut le cas à de nombreuses reprises, pour des périodes parfois assez longues, et qui créa de nouveaux pics d’odeurs pestilentielles (notamment au printemps 2002). Puis, il apparut clairement (début 2004) que Lingelheld ne maîtrisait plus du tout le compostage des boues d’autres provenances, alors même que toute livraison en provenance de la CUS avait cessé.
Mécontentement grandissant des populations riveraines
Tout au long de ces années, le manque patent de maîtrise par l’industriel de son process de compostage, puis la dénégation de toute gêne occasionnée par cette activité auprès des populations riveraines, avaient rapidement engendré et attisé de vives réactions de la part de la population des villages. Et bien sûr de ARBRES qui, de son côté, était intervenu énergiquement auprès de l’industriel et des collectivités concernées :
1. Manifestation devant le siège de Lingenheld en mai 2000 (150 personnes),
2. Interventions auprès de la mairie d’Oberschaeffolsheim, de la CUS, de la Préfecture,
3. Courrier au Préfet, en mai 2003, pour demander la fermeture de la station de compostage,
4. Pétition signée par 1.100 habitants au début de l’été 2003
5. 3 cahiers d’observations, remplis par les habitants lors de l’enquête publique consécutive à la demande de Lingenheld d’accroître la surface, et donc la capacité, de sa zone de compostage.
En avril 2004, la création d’une CLIS (Commission Locale d’Information et de Surveillance) réunissant les services de l’état, les élus locaux, ARBRES et l’industriel permet à la Préfecture de… ne rien décider – rappelons qu’une CLIS est une structure d’information et de concertation obligatoirement mise en place autour d’une installation de traitement de déchets classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Elle permet cependant à notre association d’être mieux entendue et d’être informée officiellement.
Vers une amélioration de la situation
Pour que la situation s’améliore enfin (mi 2006) il fallut que le SDEA ne renouvelle pas son contrat avec Lingenheld (ce qui représentait, alors pour ce dernier, la moitié de son activité), avec effet à l’été 2006. Cette décision entraîna l’abandon par Lingenheld d’un projet d’investissement (annoncé quelques mois auparavant) d’un montant d’un million d’euros. Celui-ci aurait dû créer, en effet, sur son site un nouveau système de traitement dont la capacité de traitement aurait porté sur la moitié des boues réceptionnées à Oberschaeffolsheim, avec des résultats dont on nous assurait qu’ils seraient probants. Ce qu’ARBRES était porté à croire volontiers puisque l’investissement envisagé reprenait, ni plus ni moins, un process proche des propositions que l’association avait faite après la visite, à Semur-en-Auxois par plusieurs de ses membres, d’une station de compostage, « modèle », qui réalise un compostage, par aspiration et passage des effluents gazeux sur des bio-filtres à charbon actif.
A ce jour (automne 2009), la zone de compostage n’occasionne plus de nuisances particulières, conséquence, non pas de soudaines améliorations techniques, mais bien de la baisse de ses principaux marchés de retraitement des boues (les boues bas-rhinoises, parties se faire épandre et composter ailleurs, en Lorraine !). La surface de compostage a été réduite de moitié. Elle comprend maintenant une nouvelle activité de production de compost à base exclusivement de déchets verts et de broyats de bois.
Diversification des activités
Les activités de Lingenheld sont appelées à se développer, la société nourrissant de nombreux projets qui impliqueront une forte restructuration de l’ensemble de son site
A court terme :
la création d’une déchetterie et d’un centre de tri pour le secteur des BTP, créés sur l’ancienne zone de compostage, ainsi que la création d’un important dépôt de matériaux inertes sur la zone de l’ancienne décharge d’ordures ménagères de la CUS (cf supra), avec la promesse d’une couverture végétalisée et plantée d’arbres au fur et à mesure de l’avancement du remblaiement.
A moyen terme :
1) la création d’une centrale à béton,
2) l’extension du bio-centre pour le traitement des terres polluées aux hydrocarbures,
3) l’élaboration d’une zone de stockage de matériels et de matériaux ,
4) le transfert de la plateforme de concassage et recyclage de matériaux du BTP
5) la création d’une filière de plaquettes de bois pour les chaufferies industrielles, projet qui semble tenir particulièrement à cœur à M. Lingenheld, ainsi qu’au Conseil Général.
L’ensemble de ces projets impliquera une restructuration du site :
1) une double extension, vers le Nord (permise par le plan d’occupation des sols actuel) et vers le Sud (sur laquelle le maire de la commune souhaite une réflexion approfondie),
2) la construction d’un hangar sur dallage de béton pour le stockage des plaquettes de bois et de certains déchets de BTP,
3) les nouvelles plateformes devraient être étanches, avec récupération et analyse des eaux.
Et après ?
Si le traitement et la valorisation des déchets ont évidemment leur place dans une démarche de développement durable, souvenons-nous des errements passés de la société Lingenheld. Dès lors, il nous faut rester attentifs à ce que le développement de ces nouvelles activités s’effectue dans le strict respect de l’environnement et de notre qualité de vie.
Tout comme nous serons particulièrement vigilants si, d’aventure, Lingenheld récupérait le marché du SDEA (évoqué plus haut). Dans cette éventualité, Lingenheld devrait impérativement réaliser les aménagements qu’il s’était engagé, lors de la perte de ce marché en 2006, à mettre en œuvre.
Notre statut de membre de droit de la CLIS nous permet, heureusement, de mieux suivre l’ensemble de ces dossiers
* SDEA : Syndicat des Eaux et d’Assainissement du Bas Rhin